Donoma, un film réalisé avec 150 euros par Djinn Carrénard, originaire d’Haïti

Un budget de 150 euros, un réalisateur, scénariste, monteur en la personne de Djinn Carrénard, une équipe enthousiaste organisée autour d’un concept : le guerilla tour qui a sillonné la France avant la sortie officielle du film… et voilà Donoma (le jour est là), film hors-norme en salle depuis le 23 novembre. La presse évoque « l’élan galvanisant du film », « l’enthousiasme débordant » suscité dans les salles ou retient de cette réalisation qu’elle « casse la donne traditionnelle » et son « beau regard sur les sentiments ».

… Signé Djinn Carrénard

Donoma
Donoma

Avec Donoma, Djinn Carrénard s’offre un fim au budget inédit de 150 euros mais en plus il accomplit l’autre objectif qu’il s’était fixé en tant que professionnel du cinéma et qui a certainement compté dans cet enfièvrement : « je m’étais promis mon premier long métrage pour mes 30 ans, parce que je voulais tourner librement sans être obligé de faire un bon film« . Et le voilà avec un film dont la genèse est atypique comme le parcours qui l’a conduit de Port-au-Prince au cinéma.

Né à Port-au-Prince en 1981, Djinn Carrénard, l’instigateur de cet étonnant concept, est d’abord un passionné qui, avant de s’employer à dépeindre, à travers une évocation très contemporaine, les histoires de couples de son dernier film, a été l’auteur de courts courts métrages, de documentaires et de clips qui ont attisé sa soif de réaliser Donoma. Plusieurs étapes marquent le parcours personnel de ce tout jeune réalisateur que la vie a entraîné à travers plusieurs continents. Après une enfance haïtienne qui lui laisse un « souvenir impérissable« , il part en famille vers le Togo à l’âge de 11 ans pour arriver quelques mois plus tard dans l’Hexagone, plus précisément en Seine-Maritime. L’Hexagone dont il s’éloignera pendant quatre ans pour se retrouver dans l’Ouest guyanais, à Saint-Laurent du Maroni où subsiste encore le Toucan, l’unique salle de cinéma de la ville, qu’a connu le jeune réalisateur. Ce même coin de Guyane où il a vécu aux rythmes de la diversité locale, « se gavant de récits en tout genre, des personnalités et des cultures les plus différentes, toutes venues se rencontrer sur cette terre amazonienne. »

Son film est aussi le fruit d’un itinéraire, celui d’un cheminement de pensée qu’il prend le temps de faire murir : « Une amie qui me raconte son expérience amoureuse avec un adolescent, ma mère qui me raconte que, enfant, son souhait était de devenir sainte à l’âge où on rêve de devenir chanteuse ou exploratrice… J’imagine des rapports de couple dans tout ça et la machine de mon imagination est lancée… Je suis parti de ces récits passionnants et je les ai laissés mariner, le temps de leur trouver une métaphore active, le temps de me les approprier en tant que scénariste. » Et pour faire vivre son scénario et en extraire la quintessence à travers le jeu de ses acteurs, Djinn Carrénard a encore sa méthode, ne jamais fournir le scénario à ses acteurs. Pour les guider, il préfère leur parler de ses personnages dans toute leur fragilité et leur complexité. Une méthode qui, pour lui, garantit le réalisme des personnages que l’on retrouve dans Donoma et dont les histoires interrogent notre rapport aux réalités qui font notre quotidien : la relation ambiguë entre une enseignante et le cancre de sa classe de lycée professionnel ; la relation d’une jeune femme déçue en amour qui décide de sortir avec le premier venu ; enfin, les questionnements d’une jeune fille athée sur la religion…

Analia, Dacio dans Donoma de Djinn Carrénard
Analia, Dacio dans Donoma de Djinn Carrénard

Djinn Carrénard, en s’arrogeant le droit se sortir un long métrage sans le soutien de producteurs et avec une bande de comédiens et amis sur qui il avait déjà eu l’occasion de braquer sa caméra, a quelque peu chahuté le milieu. Avant de remplir le Grand Rex à Paris et de partir en tournée avec le Donoma Guerilla Tour, un tour de force inédit en France, son film a été sélectionné au Festival de Cannes (sélection Acid*) en 2010, et s’offre des sélections au Festival du nouveau cinéma de Montréal, au Festival du cinéma indépendant de Londres (Raindance) ou encore pour The Edge Atlantic Film Festival (festival franco-américain de cinéma indépendant) à New York.

Pas de revendications, ni de discours partisan dans le film du jeune réalisateur franco-haïtien, juste une liberté artistique qui imprègne une réalisation dont l’audace et l’impertinence peuvent séduire et dans laquelle « chaque spectateur fait du comédien qui le touche le plus le personnage principal de ce cirque urbain. »

*Acid : Association du cinéma indépendant pour sa diffusion

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