Haïti : Rising souls ou l’art de la résilience

© Rising souls
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Haïti est la terre de toutes les résistances. Outre les projets de reconstructions qui ont vu le jour après le tremblement de terre de 2010, les Haïtiens résistent et persistent aussi à travers des expériences et des actions culturelles qui illustrent leur volonté de proposer « un autre regard sur Haïti« . C’est cette volonté qui est à l’origine du projet Inside Out, déjà porté par le photographe JR dans plusieurs grandes villes, initié et conduit pour Port-au-Prince par Tatiana Étienne, architecte d’intérieur franco-haïtienne.

Inside Out, c’est tout d’abord de l’art participatif qui utilise de gigantesques portraits photographiques en noir et blanc et propose ainsi à un large public de vivre et de partager des histoires avec ceux qui ont été photographiés et ont photographié.

À Port-au-Prince, Tatiana Étienne a mené à terme le volet haïtien d’Inside Out : Rising Souls et a ainsi permis, à l’instar d’autres intellectuels et artistes, d’exalter l’audace des Haïtiens malgré les événements malheureux qu’ils ont connus. Après le Brésil, la Palestine ou encore Israël, Inside Out a fait escale dans la Caraïbe pour « mettre en lumière la résilience haïtienne et partager avec le plus grand nombre un autre regard sur Haïti ».

« Le 12 janvier 2012, les Haïtiens se réveilleront dans une capitale, Port-au-Prince, habillée de photos d’elle-même, offertes par ses propres habitants, véritables miroirs de leur force et de leur courage » : une densité créatrice à laquelle la population devrait être très réceptive comme le souhaite Tatiana Étienne. À la veille de ce grand moment, dont on peut découvrir les étapes sur le réseau social Facebook, elle répond aux questions d’e-Karbé.

e-Karbé – Pouvez-vous nous dire en quelques mots ce qui vous a poussé à initier ce volet haïtien d’Inside Out project ? Et pourquoi le titre de Rising souls, Haïti ?
Tatiana Étienne – Rising souls est synonyme de renouveau. L’émergence d’une nouvelle ère pour Haïti. J’ai voulu partager avec le plus grand nombre la très grande fierté du peuple haïtien et son incroyable résilience. Il s’agissait de montrer la force vive des Haïtiens et d’explorer un regard nouveau sur les Haïtiens. Je trouvais que c’était une belle occasion de leur rendre hommage. Je suis convaincue que ce projet sera très bien accueilli par la population haïtienne. Mon but étant de montrer à tous que « nous » ne formons qu’un, quel que soit l’âge, la couleur, le statut social… « Nous » avons tous vécu le tremblement de la même façon, « nous » avons vécu les différentes instabilités politiques, « nous » nous réveillons tous les jours dans un pays instable, parfois dangereux, une société aux abois parmi les plus pauvres du monde mais pourtant, « nous » voulons tous y vivre, nous y sommes heureux, vifs et fiers…

Cela fait partie de la magie haïtienne ! En outre, sur le plan artistique, ce projet est un vrai succès. Le but étant qu’au matin du 12 janvier, deux ans après l’effroyable tremblement de terre, le pays se réveille avec tous ces portraits dans la rue, synonyme d’un nouveau départ. J’ai découvert le travail de JR à travers son film Women are Heros. J’ai été séduite principalement par son travail au Brésil, dans les favelas de Moro Da Providencia. J’ai tout de suite pensé qu’une telle réalisation en Haïti aurait été magnifique et porteuse de beaucoup d’espoir. J’ai été le voir en lui disant qu’il fallait absolument faire quelque chose en Haïti… Deux mois après, je l’ai revu lors du vernissage de Prune Nourry (une artiste plasticienne, qui se passionne pour la sociologie et les questions d’éthique). Sa réflexion s’oriente vers les thèmes de l’Humain et de la procréation, je lui ai reparlé de mon désir de le voir réaliser quelque chose en Haïti. C’est de là que nous avons reparlé du projet Inside Out et qu’il m’a demandé si j’aurais la volonté et les moyens humains de coordonner une telle initiative en Haïti. JR est un artiste auquel je crois beaucoup. Son travail est une source d’inspiration qui rayonne sur le plan artistique comme sur le plan humain. C’est un grand privilège de travailler avec lui. La plupart de ces œuvres sont éphémères, et s’effacent avec le temps, mais l’impact de son travail dans le cœur des gens reste pour toujours. Il arrive véritablement, à sa façon, à changer le monde !

© Rising souls
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Comment avez-vous travaillé pour réussir ce projet et, surtout, comment avez-vous réussi à mobiliser tous ces photographes, notamment les amateurs ?
Depuis le mois d’août, nous avons réuni un grand nombre de photographes haïtiens intéressés par le projet. Mais également des associations telles que Fotokombit et Eyes on Haïti qui accompagnent les jeunes de la rue et les initient à la photographie. Qui mieux que les Haïtiens eux-mêmes pour « saisir » les visages d’Haïti ? Au fur et à mesure, les volontaires photographes nous ont contactés eux-mêmes, pour faire partie du projet. Nous avons travaillé avec des photographes amateurs et professionnels à New York, Miami, Montréal, Paris et Haïti.

Quels sont les sentiments et les impressions que fera naître, selon vous, cette exposition de portraits en noir et blanc non seulement chez les Haïtiens mais aussi auprès de tous ceux qui passeront à Port-au-Prince ?
L’affichage de ces photos créé un énorme buzz auprès des Haïtiens. Tout le monde questionne le projet, ce qui le rend plus intéressant. Beaucoup se demandent s’il s’agit de personnes décédées. Mais vu le sourire et l’expression de chacun, les spectateurs demandent à en savoir plus sur le projet. Lorsque nous affichons dans les rues, les passants nous posent des questions et de nous entrons dans un vrai débat sur la résilience et le futur d’Haïti. Le projet est en train de prendre une belle allure. J’ai réuni une superbe équipe de personnes motivées partageant la même vision et la même ambition.

Pour l’instant, nous avons déjà une cinquantaine de portraits, tous aussi magnifiques les uns que les autres, je ne me lasse pas de les regarder… J’imagine déjà le résultat en grand format dans les rues de Port-au-Prince !

Est-il envisagé de présenter les photos autrement, sur Internet par  exemple, pour les personnes qui ne pourraient les voir in situ ?
Nous avons créé une page Facebook Rising Souls, où nous tenons informés les internautes au jour le jour sur notre action.

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