Bébé blues ou « une vie de maronne », selon Louise Minster

Avec Bébé blues, Louise Minster vient doter la collection Rue des écoles des éditions l’Harmattan d’une nouvelle chronique de la vie d’une femme. Cette vie, c’est en l’occurrence celle d’une Guadeloupéenne qui expose avec acuité sa « vie de maronne ».

Louise Minster est professeure de lettres modernes et s’est déjà fait remarquer pour ses écrits. Pour ce premier roman, elle a choisi le genre autobiographique, une forme qui confère à son récit le ton confidentiel qui devrait inciter à la suivre dans son « retour avec émotion sur les instants de souffrance, de doute et d’espérance qui ont jalonné ce parcours ». Des souvenirs à travers lesquels elle éclaire de ses évocations « une vie aux Antilles de l’enfance à l’âge adulte ». De ce fait, le livre promet de laisser au lecteur une occasion de s’immerger dans l’univers de l’auteur.

Bébé blues
Bébé blues

Le titre lui-même, Bébé Blues, revêt le caractère du voyage émotionnel. Louise Minster en explique la pertinence : « formé sur un anglicisme, il s’agit d’un jeu de mots. On pourrait dire que c’est le mal-être de mon enfance qui ma poussé à écrire, d’où le mot blues comme dans l’expression ‘avoir le blues’. C’est le blues du bébé, de l’enfant ». Plus que ce regard rétrospectif, le roman résulte d’une « écriture sincère, authentique et sensible qui donne toute sa dimension à un récit poignant qui au fil des pages se révèle comme un moyen de tirer un trait définitif sur les tourments du passé », comme le résume le descriptif. Mais il ne s’agit pas seulement d’une évasion vers les souvenirs pour l’héroïne à la « vie de marronne ». Comme l’explique l’auteur à e-Karbé, « c’est une vie décalée avec des péripéties à chaque page. Le récit, très rythmé, combat l’ennui ou la difficulté de lire un roman. Mon héroïne est une femme curieuse de la vie avec une soif de savoir et de connaissance, mais elle joue souvent de malchance, ce qui l’oblige à affronter un monde difficile. Cependant, elle trouve le moyen de laisser la place au rêve et à l’imagination ».

Un travail de mémoire ambitieux
Outre la quête qui a porté la mise en œuvre de ce roman, il a également fallu un élément déclencheur à une Louise Minster qui conserve son audace de poète. La décision de s’exprimer n’a pas été moins que la disparition de l’une des plus grandes figures de la poésie de ce siècle : Aimé Césaire. Comme le début d’un processus pour l’auteur de Bébé blues : « commencé dans les années 90, l’écriture de ce roman s’est arrêtée. Il était donc inachevé, le déclic est venu avec la disparition d’Aimé Césaire qui est ma référence, car je suis également poète. J’ai pris alors la décision de publier mes écrits, j’ai ressorti tous mes manuscrits dont Bébé Blues, qui s’intitulait initialement Enquêtes de soie« , nous explique-t-elle. Et pour ce qui est du genre pour ce récit, là encore il s’agit d’un choix inhérent à sa propre attente : « l’autobiographie est un travail de mémoire ambitieux, mais qui au final s’avère salvateur, car il permet d’exorciser les démons qui nous hantent ».

Bébé Blues attend désormais la rencontre avec les lecteurs. Invitée à dire ce qu’elle attend de ce face-à-face et plus particulièrement sur ce qui, dans son récit, devrait susciter l’attention des jeunes lecteurs, Louise Minster imagine une forme de communion. « J’attends que mes lecteurs se reconnaissent dans les différentes étapes de la vie de l’héroïne et s’identifient à sa vie. Ils pourront ainsi partager ses bonheurs et ses malheurs. L’œuvre traite de l’enfance, mais également de l’adolescence, du rapport difficile avec le monde des adultes. La parentalité, les relations frères sœurs et les relations humaines en général, les jeunes lecteurs pourront donc se reconnaître dans ces thématiques », nous détaille-t-elle.

Bébé blues, chez l’Harmattan
Le samedi matin était jour de supplice. Il fallait prendre le cahier rouge – j’ai longtemps eu une aversion pour cette couleur – et s’appliquer à faire le moins de fautes d’orthographe possible. La sanction était immédiate : à la fin de la dictée, il fallait mettre les mains sur la table, les doigts bien écartés, le maître passait, comptait vos fautes et frappait vos doigts avec un bâton dur comme le fer. Le nombre de fautes était égal au nombre de coups de bâton, pas un de plus ou de moins. Un jour, 1’une de mes camarades, qui avait fait un nombre incalculable de fautes, s’était enfuie à l’approche de la sentence. Le maître avait passé un moment à lui courir après même tout autour de l’école.

Pour ma part, ce jour-là, c’était la première fois qu’un homme me frappait, mais ce fut aussi le seul, car ma mère décida de mettre fin à ce supplice qui était pour elle une mascarade.

Bébé blues
Éditions l’Harmattan
11,40 euros
118 pages

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