Débats autour de la langue créole au Salon du livre de Paris

Au chapitre des débats prêtant à réflexion lors du dernier Salon du livre de Paris : la langue créole. Sous le thème « Créolité Tout-Monde », des auteurs de Martinique et de Guadeloupe ont partagé leur expérience et leurs ambitions quant à l’évolution de la langue créole.

Suzanne Dracius, Hector Poullet, Tony Delsham et le conteur Benzo, qui avait auparavant suscité l’intérêt du public avec un atelier d’écriture sur le créole, ont commencé par livrer leurs vues d’auteurs et de scrutateurs sur le devenir de la langue créole dans leur environnement professionnel ou social respectif. Au départ se pose l’attachement au savoir dans sa globalité, un attrait qui fait naître l’intérêt pour le créole, comme en Guadeloupe avec Hector Poullet. Acteur décisif dans l’introduction du créole à l’école, Hector Poullet suit une démarche exclusive. « Je ne m’intéresse pas aux plages, aux forêts, ni aux montagnes de la Guadeloupe, mais aux rapports qu’ont les humains avec cette terre… Ce sont les créolophones qui m’intéressent » explique l’auteur de nombreux ouvrages consacrés à l’apprentissage du créole.

Disparition de langue, faute de combattants
Face à un Hector Poullet et à un Benzo, tous deux Guadeloupéens très optimistes quant à la postérité du créole, Tony Delsham demeure plus sceptique pour le créole martiniquais. L’auteur et éditeur craint que le créole ne disparaisse en Martinique « faute de combattants et faute d’utilisateurs ». « Par exemple, on ne fait pas la cour à une femme en créole » avance-t-il comme élément tangible. Une appréhension qui ne semble pas de mise en Guadeloupe, où certaines démarches apparaissent productives. Ainsi, Caraïbéditions va dans le sens d’une approche de territoire qui vise à être en cohérence avec les attentes des lecteurs. Prenant l’exemple de Kokolo – Les mots du sexe en créole de la Guadeloupe et Kenbwa an Gwada – Le Tout-Monde du Magico-religieux créole, l’auteur Hector Poullet explique que l’éditeur Florent Charbonnier a d’abord interrogé les libraires sur les sujets les plus vendeurs du moment, avant de lui proposer d’écrire sur ces deux sujets. Une attitude caractéristique qui implique pour l’auteur sollicité d’enquêter, de découvrir, puis d’écrire sur d’autres aspects de la culture créole.

Suzanne Dracius reste également positive et croit dans la régénérescence de la langue créole, évoquant plus généralement « une culture multiforme héritière de nombreux éléments et qui est toujours en formation ». Elle soutient que la langue comme « les cultures créoles sont tout le temps en mouvement« . Outre ces appréciations qui permettent de comprendre comment envisager les valeurs culturelles et spirituelles, il apparaît comme indispensable de (re)penser aussi le rapport entre la langue créole, les élèves et leurs parents.

Entre 1976 à Capesterre où enseignait Hector Poullet, avec les cours de « sur-soutien » en créole pour les élèves en difficulté, et 1982 avec l’autorisation accordée de « une heure par de semaine de cours DE créole et pas de cours EN créole », il a fallu continuer à convaincre de la nécessité de faire cohabiter créole et français à l’école.

De son côté, Suzanne Dracius, évoquant la méfiance pour le créole résultant du fait qu’il « est né dans l’esclavage », met en avant la nécessité de se défaire des complexes. La poétesse martiniquaise voyant dans la réalité historique des raisons de se persuader que « l’apprentissage du créole en parallèle avec l’apprentissage du français peut être épanouissant ». Pour celle qui explique que « le français, c’est aussi un créole de latin », il y aussi du sens à constater que « c’est François 1er qui a décidé que le français deviendrait langue officielle par l’ordonnance de Villers-Cotterêts… Et qu’il est aussi intéressant de savoir que c’est à Villers-Cotterêts que naît Alexandre Dumas, l’écrivain français le plus lu dans le monde (avec Les trois mousquetaires), lui qui est justement un nègre, en fait un mulâtre, un créole ».

La langue créole qui se réinvente, évolue et affiche une vitalité permanente ne semble pas en danger, en tout cas pour plusieurs de ces intervenants.

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