Salon du livre de paris 2011 : conférence « Les Outre-mer, unité ou diversité »

« Les Outre-mer, unité ou diversité : la Martinique, la Nouvelle Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon ou la Réunion, ces outre-mer, si loin, si proches, entre ressemblances et dissemblances ». Tel était le (vaste) thème du débat animé le samedi 19 mars au Salon du livre par Marijosé Alie, avec des auteurs qui représentaient très concrètement les dissemblances qui existent entre ces différents territoires. Avec une certitude : chacun, en sa qualité « d’outre-mer », voit la France (qualifiée de « métropole » ou « hexagone ») d’une façon bien différente.

Dracius, Nicolle, Samlong, Gorodey
Unité ou diversité des outre-mer

Le débat a porté principalement sur les diversités qui n’unissent pas les outre-mer et qui influencent les écrivains selon la posture qu’ils se choisissent en tant qu’écrivain contemporain, selon leur souhait de s’engager ou pas à travers leur écriture, donc de choisir ou pas d’en faire un combat.

Un petit monde en réduction… ouvert au monde entier
Plus que la question d’unité ou de diversité qui devait être soulevée, on a ressenti lors de ces échanges une forte notion d’identité littéraire ou collective exprimée par chaque auteur pour caractériser et expliquer son regard sur la notion d’outre-mer. Si l’idée de distance est très présente, il reste qu’on vit l’hexagone différemment que l’on soit de Martinique comme Suzanne Dracius ou de Saint-Pierre et Miquelon comme Eugène Nicole. L’auteure d’Exquise déréliction métisse a sa vision de l’outre-mer et de la traduction qu’elle en fait dans son art : « c’est un petit bout de culture française… J’habite la langue française, j’y entre comme dans une habitation d’où je peux marronner à ma guise. Là d’où je viens, nous avons le créole. Ce qui compte, c’est ce duo harmonieux où on peut utiliser la langue qu’on veut, en toute liberté ». L’expression d’un métissage sur lequel l’interroge Marijosé Alie et qui n’est forcément pas valable pour un autre outre-mer : « j’aime revenir en Martinique mais je n’y suis pas accrochée comme si j’étais un mollusque. C’est un petit monde en réduction. Nous sommes ouverts au monde entier. Tous les sangs ont circulé dans cette Martinique, j’en suis moi-même l’exemple vivant. Je tiens à le dire parce que quand on parle de métissage, ce n’est pas uniquement un mélange de sangs, c’est aussi un mélange de cultures. Le titre de mon livre est un oxymore, ce métissage est quelque chose d’exquis, ça fait plaisir d’avoir cette sensation, et en même temps ça crée une absence. Je suis contente d’appartenir à ce monde métis et je suis consciente que ce n’est pas toujours facile, qu’on n’est pas toujours acceptée… ».

Eugène Nicole (L’œuvre des mers, éditions de L’Olivier) ne conçoit pas cette notion de lutte qui profite pourtant à l’écriture du Réunionnais Jean-François Samlong ou de Déwé Gorodey, femme politique et écrivaine Kanak : l’histoire très différente de ces territoires explique avant tout cette dissonance. Eugène Nicole s’explique : « A Saint-Pierre et Miquelon, nous avons une vision particulière. Nous sommes la plus petite de ces entités. J’insisterai sur cette microscopie. Traditionnellement, pour moi, la métropole était au loin mais c’était comme une entité lointaine vers laquelle à la fois on allait et d’où nous venait quelque chose. Je me suis aperçu que quand j’écrivais, j’étais à la fois présent dans mon archipel et dans la distance. Je ressens cette impression physique d’avoir les pieds plantés à l’endroit que je décris et dont je suis distant ».

« Notre parole était confisquée et nous l’avons reprise… »
Le fait de vivre sur un territoire très différent des autres, d’être loin de la France (hexagonale ou métropolitaine, selon la posture intellectuelle ou affective que l’on se choisit), d’être logiquement influencé par son environnement géographique direct (qui n’est donc pas la France), autant de réalités qui expliquent aussi les approches très différentes des uns et des autres sur l’idée qu’ils se font de leur terre. Dès lors, les auteurs développent immanquablement un rapport à l’écriture différent, comme on le voit avec Jean-François Samlong : « Quand j’écris des essais, j’ai une responsabilité par rapport à la société réunionnaise qui est imbriquée dans la société française. Nous avons quelques points communs avec la Nouvelle-Calédonie : la société réunionnaise est de tradition orale et les Réunionnais ne sont arrivés à l’écrit que très tardivement. Il a fallu attendre les années 70-80 pour qu’une génération de jeunes accède à la maîtrise de la langue créole et puisse se raconter, puisse se dire. Nous sommes désormais vus avec notre propre regard et pas à travers le regard des autres. Auparavant, nous avions l’impression de perdre notre identité avec la soumission à une politique d’intégration culturelle. Notre parole était confisquée et nous l’avons reprise… « 

Large est l’étendue des dissemblances entre des espaces d’outre-mer qui se sont taillés et structurés en fonction des populations qui s’y sont affrontées, installées et succédé. Et il n’est pas non plus possible d’éviter un constat : ces espaces ont vu naître des littératures résistantes. Pour Jean-François Samlong, il y a donc une « littérature de combat, et non plus de plus de défense comme on l’a connue dans les années 80. Un désir de construire un nouvel avenir pour nous, avec nos propres forces, qui nous construit de l’intérieur ». Des imaginaires de contestation qui nourrissent d’autres imaginaires, tel celui de Déwé Gorodey qui cite le Peau noire et masques blancs et le Cahier d’un retour au pays natal des Martiniquais Fanon et Césaire. Un imaginaire de combat qui n’est pas le seul commencement des voyages auxquels nous convie l’écrivain basé loin de Paris. Il peut d’ailleurs tout à fait s’agir d’un autre combat comme celui d’Eugène Nicolle, « un combat avec la mer. Je m’intéresse peut-être plus aux éléments qu’aux êtres. Enfin, nous avons des situations très différentes, c’est évident ! La question politique, ce n’est pas mon affaire. »

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