« Retour au Cahier » : un film subtil sur l’œuvre de Césaire ce mardi sur France Ô

Ce mardi 28 janvier à 22 h 50, France Ô diffusera, dans le cadre de son émission Archipels, un documentaire qui célèbre le grand poète martiniquais Aimé Césaire et l’une de ses œuvres les plus emblématiques : Cahier d’un retour au pays natal. Le film des sœurs martiniquaises Fabienne et Véronique Kanor, respectivement écrivain et réalisatrice, se consacre joliment à l’aventure du texte.

Véronique et Fabienne Kanor ont choisi de consacrer un « read-movie » au Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire. Elles ont tenté de dépasser les limites imposées par le média télévision quant il s’agit de faire un film sur un livre. Pour entrer dans l’œuvre et rythmer leur reportage, elles ont ainsi demandé à des personnes rencontrées sur leur parcours de lire le texte. Elles se sont également appuyées sur la répétition d’un spectacle autour du Cahier dans un lycée de Fort-de-France pour « voir comment le Cahier était mis en chair et en langue, à travers le geste, le mouvement, les corps, la diction…« . Et, bien sûr, elles ont rencontré des spécialistes de Césaire ainsi que des témoins qui éclairent la genèse de l’œuvre sous différents angles.

Le début du film s’appuie sur un extrait où Aimé Césaire explique qu’il faut aimer sa poésie pour la comprendre : « je ne crois pas qu’il y ait de poésie qui ne soit pas obscure. Parce que la poésie, par définition, c’est une manière de tout dire tout en ayant l’air de ne rien dire. » Un exergue qui va guider les réalisatrices au fil d’un voyage « avec des kilomètres de questions pour pénétrer au cœur de ce long poème » qui consacra l’auteur martiniquais. Pour trouver des réponses, elles se sont rendues en Martinique, en Croatie, où Césaire commença à rédiger son texte, et à Paris où il vécut dans sa jeunesse et publia ses livres.

Ce dispositif donne un éclairage nouveau et subtil à l’un des textes fondateurs de la Négritude, « l’œuvre nègre la plus lue et la plus commentée dans le monde » comme le rappelle l’écrivain David Alliot, spécialiste de Césaire également invité à témoigner. Ainsi, la veuve de Petar Guberina se rappelle avec émotion que ce sont les îles de l’Adriatique, face auxquelles il avait invité Césaire à passer ses vacances en 1935 , qui lui ont donné l’inspiration nécessaire pour l’inciter à entamer son Cahier d’un retour au pays natal. Un titre qui, d’ailleurs, doit beaucoup au cahier d’écolier que ses hôtes lui avaient remis pour l’occasion…

Au fil des rencontres se dessinent les contours d’un poème universel, sans doute plus connu à l’étranger qu’en France et même qu’en Martinique. Un poème qui a rencontré un écho très fort en Afrique, notamment au moment des luttes pour l’indépendance. « Plus que lu, ce livre a été vécu et réalisé, explique Véronique Kanor. Il a accompagné des peuples dans leur lutte pour leur droit à disposer d’eux-mêmes. Le paradoxe est que certains pays ont réalisé la prophétie du texte, mais pas la Martinique. » Un paradoxe apparent que confirme Colette Césaire, professeur de lettres modernes au lycée Joseph Gaillard de Fort-de-France, qui est longuement filmée avec ses élèves lors de leurs répétitions autour du texte : « la révolution que Césaire appelle de ses vœux dans le Cahier ne s’est toujours pas faite. C’est un texte d’actualité parce que la Martinique reste à construire. Je ne crois pas que la prise de conscience collective que Césaire demande ait déjà eu lieu. » La vision de ce documentaire permettra sans nul doute aux téléspectateurs de se rapprocher de cette prise de conscience collective…

Synopsis
Des comédiens amateurs répètent leur spectacle de fin d’année sur la pelouse d’un lycée de Fort-de-France. Ils ont choisi de s’emparer du Cahier d’un retour au pays natal, ce long poème qui consacra Aimé Césaire comme l’un des écrivains majeurs du XXe siècle. Quelques images d’aujourd’hui pour amorcer un « retour au Cahier » qui invite à lire entre les lignes l’œuvre nègre la plus lue et traduite de l’histoire.
Le read-movie peut commencer… Il nous emmène bientôt à quelques milliers de kilomètres de là, à Paris, où les paroles du poète sont libérées, invitées à prendre l’air. Comédiens et étudiants portent le Cahier depuis les quais du métro jusqu’à la Cité universitaire, où furent écrites ses premières pages. Puis les mots du poète s’envolent pour la côte dalmate, en Croatie, sur les traces de l’amitié que l’auteur y tissa avec Petar Guberina, précieux frère d’âme qui l’invita à passer l’été 1935 dans sa ville natale, où le Cahier s’enrichira de plusieurs chapitres.
« Il y a encore une mer à traverser »… Une mer qui nous conduit en Martinique, à Basse-Pointe, où Césaire est né. Sur les traces d’un texte qui nous ramène lui-même au temps de l’aliénation, des plantations, des cases. Mais comme le chemin qui mène des colonies à la métropole est fait d’allers-retours, on reprend bientôt la route en sens inverse, sur les traces du poète qui suivra toute sa vie ce mouvement pendulaire de son île au continent, du continent à son île. La première personne que Césaire rencontre à Paris s’appelle Léopold Sédar Senghor. Il lui sert de guide. Puis il y a le poète Léon-Gontran Damas, le romancier Richard Wright, les militants de la revue L’Etudiant Noir… Tous ensemble, ils vont devenir nègres et inventer une façon d’être au monde – la négritude. Le texte en main, les mots de Césaire en bouche, le documentaire de Fabienne et Véronique Kanor choisit de faire passer le Cahier de la main à la main, de la bouche à l’oreille pour invoquer l’avenir : « S’il nous reste encore une île à inventer, nous rouvrirons le Cahier à la première page pour savoir comment la modeler, quelle hauteur lui donner, en quelle langue la chanter. »
Jean-François Parouty

Rediffusions
– jeudi 30 janvier à 9 h 50
– vendredi 31 janvier à 2 h 30
– jeudi 6 février à 2 h 30

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