France Ô diffuse une ambitieuse « Contre-Histoire de la France outre-mer » à partir du 16 avril 2013

En cinq documentaires de cinquante-deux minutes diffusés à partir du 16 avril prochain, la collection « Contre-Histoire de la France outre-mer » raconte la colonisation des territoires ultramarins d’une manière inédite, à travers le regard de ceux qui l’ont subie. Réalisée à partir d’entretiens, d’images contemporaines et d’archives, cette série écrite et réalisée par Dorothée Lachaud et Xavier-Marie Bonnot décrypte la mécanique de la colonisation à partir des grands leviers utilisés par l’empire français : l’économie, l’esclavage, l’éducation, la religion et la répression. Descendants de colons ou d’esclaves, historiens, amiraux galonnés, écrivains en révolte et hommes politiques retracent un passé qui ne passe pas et qui continue d’enflammer les rapports économiques et sociaux d’outre-mer. Pour la première fois et sans s’inscrire à rebours dans les mémoires collectives, « Contre-Histoire de la France outre-mer » offre un éclairage historique transversal qui s’appuie sur l’ensemble des territoires concernés par la colonisation.

Contre histoire de l'outre-mer
Contre histoire de l'outre-mer

L’initiateur de cette collection de cinq films documentaires, Luc de Saint-Sernin, le directeur de la coordination des antennes TV d’Outre-mer 1ère, souhaitait « reprendre cette page de l’histoire de France et inverser la perspective pour que les faits prennent une autre tournure, dresser une « contre-histoire » qui n’est racontée dans aucun manuel… » L’ambition de cette collection est de partir à la recherche des causes et des événements qui font qu’aujourd’hui encore le passé ne passe toujours pas : « l’histoire de la colonisation outre-mer, poursuit-il, a toujours été campée par des récits hauts en couleur. Pourtant, il existe aussi une version en noir et blanc… Pour l’esquisser, nos documentaires se sont mis à l’écoute des historiens de l’outre-mer et ont croisé leur approche avec celle des chercheurs nord-américains. Une lecture inédite qui prend du recul sur l’hier pour mieux comprendre l’aujourd’hui… En outre-mer, la colonisation s’est faite à partir de cinq leviers majeurs, actionnés plus ou moins simultanément : la colonisation par l’enseignement, par la répression, par l’impérialisme économique, par la foi catholique et par l’esclavage. Cinq leviers, cinq films… »

Au fil des épisodes se multiplient les interventions d’écrivains, d’historiens et de personnalités de la vie politique ou sociale de la Caraïbe parmi lesquels Maryse Condé, André Lucrère, Raphaël Confiant, Roger Toumson, Élie Domota, Jacques Adélaïde-Merlande ou encore Serge Letchimy, chacun étant selon son positionnement un observateur critique de l’histoire et de la société antillaise.

Avec cette série qui sera diffusée à partir du 16 avril dans le cadre de l’émission Archipels et, en parallèle, en outre-mer sur les chaînes « 1ère », France Ô respecte parfaitement son cahier des charges qui en fait la « chaîne de la mixité et de la diversité culturelle » et lui demande d’offrir « une vitrine de choix à toutes les composantes qui participent de l’identité de la communauté nationale, en particulier aux populations ultra-marines. » Illustration avec la trame de chaque épisode et le témoignage des auteurs :

Nos ancêtres les Gaulois (le 16 avril)
Au milieu du XIXe siècle, la France devient un État-nation. Il lui faut un mythe fondateur. Quelque chose qui dise aux Bretons, Auvergnats ou Provençaux : « Voilà qui tu es. » Ce sera Vercingétorix, l’ancêtre héroïque, et ses compagnons les Gaulois. On supprime les langues régionales et on impose un modèle, l’école de la République. Et cette « mission civilisatrice » va s’exporter dans tout l’empire français grâce à une institution, l’école, et une langue, le français. De La Réunion à la Guyane, en passant par les Antilles ou le Pacifique, nos ancêtres les Gaulois ont colonisé les esprits.
Dorothée Lachaud : « Il est bien entendu que les écoliers d’outremer n’ont jamais eu de manuel scolaire intitulé ainsi. Mais les programmes d’histoire étaient centrés sur la métropole exclusivement. Aujourd’hui, ce qui est frappant – et c’est tout l’objet de cet épisode –, c’est que réside, dans l’imaginaire ultramarin collectif, la sensation d’avoir été acculturé par ces gauloiseries. Et pour cause ! »

La Loi du plus fort (le 23 avril)
Dans les îles d’esclavage, une société différente a vu le jour. Sans mythes, sans vraies racines, elle est sans doute la plus postmoderne de toutes… Trois grands textes racontent cette évolution hors norme : Le Code noir qui règle la société plantationnaire ; Le Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire ; Traité du Tout-Monde d’Édouard Glissant, penseur de la créolité… Trois textes qui disent comment le statut de l’homme noir a évolué, cet homme d’Afrique que la loi du plus fort n’a jamais anéanti.
Xavier-Marie Bonnot : « Cet épisode précise le contenu du Code noir sur lequel on a écrit et dit beaucoup de bêtises, comme le statut d’objet de l’esclave. La réalité demeure plus complexe… Contre-histoire ! Ensuite, les ouvrages d’Aimé Césaire et d’Édouard Glissant prouvent que les Antilles ont donné à la seconde moitié du XXe siècle français ses plus belles lettres. Enfin, force est de constater que le racisme est toujours à l’œuvre et que les sociétés antillaises restent profondément conditionnées par la loi du plus fort… »

Les Positions des missionnaires (le 30 avril)
Deux hommes, deux prêtres, incarnent à eux seuls la présence de l’Église outre-mer. Deux figures contrastées : le père Chanel, missionnaire dans le Pacifique, tué à coups de hache par le roi de Futuna. Le père Labat, missionnaire dominicain, propriétaire d’esclaves, fabricant d’alcool et auteur d’un certain nombre de turpitudes coloniales. Le premier est resté un véritable martyr du Christ, le second préfigure ce qui ne tardera pas à devenir une institution : le clergé colonial. Deux visages d’une même Église qui aura marqué à jamais les sociétés de l’outre-mer.
Dorothée Lachaud : « Bien que n’ayant pas vécu à la même époque et n’ayant pas œuvré sur les mêmes territoires, le père Chanel et le père Labat sont deux missionnaires qui nous montrent comment l’église s’est fondue dans un processus global d’expansion et comment elle a mené, à sa façon, une politique coloniale. Le film pousse aussi les portes d’un monde où l’église possédait des esclaves, mais à l’époque rien de plus normal… puisque les esclaves et les maîtres coexistent dans la Bible et sont donc pleinement intégrés à la culture chrétienne. »

Les Forçats du Pacifique (le 7 mai)
La mémoire du bagne n’a retenu que le récit cruel d’Albert Londres, les destins tragiques de Dreyfus et de Seznec. Des chroniques bagnardes qui éclipsent l’autre grande réalité de la colonie pénitentiaire : son empreinte profonde sur la société. En Nouvelle-Calédonie, le destin des forçats a façonné toute une île. Les descendants des transportés n’ont plus honte de leurs anciens et s’approprient l’héritage de la « grande punition », car c’est leur identité. Un cas unique dans l’histoire… Une histoire inédite.
Xavier-Marie Bonnot : « J’ai découvert à quel point le bagne était présent sur la terre calédonienne et comment il conditionne, encore aujourd’hui, le fonctionnement de toute une île, particulièrement dans le rapport entre Kanaks et Français. C’est à cause du bagne qu’on a confisqué des terres, à cause du bagne qu’on a dressé les Kanaks comme milices pénitentiaires contre les forçats et leurs descendants… »

Pour un morceau de sucre (le 10 mai)
Le long récit de la France ultramarine débute avec des marins intrépides, des planteurs voraces, quatre millions d’hommes-machines, tous nègres, tous esclaves… Elle continue de nos jours, dans ce qui est devenu le deuxième empire maritime au monde. Historiens, amiraux galonnés, écrivains en révolte, hommes politiques, descendants de colons et d’esclaves racontent cette aventure de la puissance. Une contre-histoire qui dit pourquoi le passé des vieilles colonies ne passe toujours pas…
Xavier-Marie Bonnot : « Pour montrer le mécanisme d’une colonisation basée essentiellement sur la satisfaction de futilités, nous avons choisi l’or blanc, le « pétrole » de l’Ancien Régime. C’est pour un peu de douceur dans le café qu’on a réduit en esclavage quatre millions d’êtres humains… Ce raccourci peut surprendre, on peut le dire à l’emporte-pièce, mais il est cruellement vrai… »
À l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, cette diffusion sera suivie d’un débat avec des collégiens.

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