Des écrits de Frantz Fanon, l’un des leaders de la pensée tiers-mondiste, ont fait l’objet en 2015 de la parution d’un important ouvrage aux éditions La Découverte. Vendredi 1er avril 2016, Écrits sur l’aliénation et la liberté sera au au centre de la conférence organisée par l’Institut du Tout-Monde et qui vient s’ajouter au programme des rencontres du cycle Le Chant du Monde.
La prochaine conférence du cycle Le Chant du Monde, initiée par l’Institut du Tout-Monde, se déroulera à la Maison de l’Amérique latine et aura pour thème le livre Frantz Fanon Écrits sur l’aliénation et la liberté, réunissant des textes, dont de nombreux inédits, et paru en octobre 2015. L’ouvrage introduit par Robert J. C. Young* et Jean Khalfa** revêt une dimension particulière dans le sens où il permet d’aborder encore mieux la pensée de Fanon et de prendre la mesure, aujourd’hui encore, de l’acuité de sa réflexion à travers ses écrits. L’ouvrage de près de 700 pages « donne à lire un Fanon à bien des égards nouveau, plus intime aussi. Celui d’une pensée en construction, mais toujours radicalement engagée aux côtés de tous les colonisés en lutte » (Olivier Doubre – Politis).
Dans le cadre du cycle Le Chant du Monde proposé par l’Institut du Tout-Monde
Fin 2015, en commémoration de la date anniversaire de la naissance de Frantz Fanon (il y a quatre-vingt-dix ans, en juillet 1925), paraissait aux Éditions La Découverte un volumineux recueil de textes pour une grand part inédits ou perdus. Ces documents réunis, présentés et commentés par les professeurs Jean Khalfa (Trinity College, Université de Cambridge) et Robert J. C. Young (New York University), ont été publiés sous le titre « Écrits sur l’aliénation et la liberté ». Le volume de 688 pages rassemble deux pièces de théâtre exceptionnelles écrites par Fanon, jamais éditées, ainsi que ses textes psychiatriques (dont sa thèse de doctorat) et d’ethnopsychiatrie, de nombreux écrits politiques, et des correspondances. On notera aussi un formidable outil critique : un catalogue commenté des ouvrages de sa bibliothèque, accompagnés de certaines des annotations de Frantz Fanon, et un historique des éditions française et italienne (par Jean Khalfa et par Neelam Srivastava), montrant à la fois ses sources et l’idée que se faisait Fanon de la structure et des usages de ses écrits. Les textes théoriques, notamment de psychiatrie, reflètent les préoccupations immédiates de la réalité que Fanon vivait au quotidien auprès de ses patients, ainsi que sa pensée et sa pratique cliniques, elles aussi révolutionnaires. Ils permettent en outre une bien meilleure compréhension des grands livres publiés. Quant aux écrits politiques, ils évoquent autant la lutte du peuple algérien pour son indépendance, que, plus largement, la question de l’anticolonialisme et du néocolonialisme en Afrique subsaharienne…
Cet événement littéraire, qui crée la surprise, est sans doute l’un des plus marquants de ce début du siècle. Tout en apportant un éclairage renouvelé sur l’œuvre fanonienne, les analyses visionnaires précieuses de Frantz Fanon arrivent à point nommé pour lire la tragique actualité des peuples opprimés et les enjeux cruciaux dont dépendent toujours la construction et l’organisation de leur liberté.
19 h – Histoire de l’édition des textes inédits de Frantz Fanon par François Gèze et Jean Khalfa.
19 h 10 – Présentation des textes de Fanon, par Jean Khalfa. Avec projections de manuscrits et commentaires de textes significatifs.
20 h – Présentation du théâtre fanonien, Jean Khalfa. Avec lectures d’extraits par Jean-Michel Martial.
Écrits sur l’aliénation et la liberté (éditions La Découverte)
L’œuvre de Frantz Fanon, psychiatre et militant anticolonialiste prématurément disparu en 1961 à l’âge de trente-six ans, a marqué depuis lors des générations d’anticolonialistes, d’activistes des droits civiques et de spécialistes des études postcoloniales. Depuis la publication de ses livres (Peau noire, masques blancs, 1952 ; L’An V de la révolution algérienne, 1959 ; Les Damnés de la terre, 1961), on savait que nombre de ses écrits restaient inédits ou inaccessibles. En particulier ses écrits psychiatriques, dont ceux consacrés à l’aliénation colonialiste vue au travers des maladies mentales » (selon les mots de son éditeur François Maspero).
Ce matériel constitue le cœur du présent volume, établi et présenté à la suite d’un patient travail de collecte et d’une longue recherche par Jean Khalfa et Robert J. C. Young. Le lecteur y trouvera les articles scientifiques publiés par Fanon, sa thèse de psychiatrie, ainsi que certains inédits et des textes publiés dans le journal intérieur de l’hôpital de Blida-Joinville où il a exercé de 1953 à 1956. On y trouvera également deux pièces de théâtre écrites durant ses études de médecine (L’Œil se noie et Les Mains parallèles), la correspondance qui a pu être retrouvée ainsi que certains textes publiés dans El Moudjahid après 1958, non repris dans Pour la révolution africaine (1964). Cet ensemble remarquable est complété par la correspondance qu’avaient échangée François Maspero et l’écrivain Giovanni Pirelli pour un projet de publication des œuvres complètes de Fanon, ainsi que par l’analyse raisonnée de la bibliothèque de ce dernier.
La parution de ces Écrits sur l’aliénation et la liberté constitue un véritable événement éditorial, par le nouveau regard qu’ils permettent de porter sur la pensée de Fanon autant que par leur portée toujours actuelle, dans le champ psychiatrique comme dans le champ politique.
*Robert J.C. Young est professeur en anglais et en littérature comparée à la New York University. Spécialiste de l’histoire coloniale et des questions postcoloniales, il est notamment l’auteur de Postcolonialism. An Historical Introduction (2001), Postcolonialism. A Very Short Introduction (2003), The Idea of English Ethnicity (2008) et Empire, Colony, Postcolony (2015).
**Jean Khalfa enseigne au Trinity College de l’Université de Cambridge. Spécialiste d’histoire de la philosophie, de littérature moderne, d’esthétique et d’anthropologie.