Lancé en 2024, le Decolonial Film Festival (DFF) sera de retour pour sa seconde édition du 12 au 25 mai 2025. Une nouveau rendez-vous cinématographique orchestré par une communauté engagée autour de sujets et d’enjeux liés à la colonisation qui se déroulera à Paris, en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne.
Pour cette nouvelle édition, la programmation se conjuguera notamment autour de cinq thèmes : héritages, spiritualités, amours, résistances et diasporas. Elle comprend notamment une « Journée Euzhan Palcy » prévue le dimanche 18 mai 2025.
Depuis sa création, le « festival de cinéma qui questionne les notions de colonisation, de pouvoir, et de résistance, de manière engagée et accessible » a non seulement lancé sa première édition en mai 2024 mais a également organisé des projections en plein lors d’un festival d’été pour « pour dialoguer ensemble et reconstruire les imaginaires par l’engagement culturel ».
Outre la journée consacrée à la cinéaste martiniquaise Euzhan Palcy, la sélection comprend plusieurs films en lien avec la Caraïbe ou des personnalités de cette partie du monde, où cinéastes, artistes et citoyens sont également animés par la volonté de déconstruire l’imaginaire colonial ou de remettre en cause son impact par le biais du cinéma. Un engagement que pouvait déjà l’illustrer, par exemple, le Eia pour Césaire de l’actrice et réalisatrice Sarah Maldoror, avec ce film sorti en 2009.
Dimanche 18 mai 2025, la Journée Euzhan Palcy au DFF
À Paris, c’est le Saint-André des Arts, cinéma indépendant, qui accueillera la Journée Euzhan Palcy, avec trois films dont Parcours de dissidents (2006) programmé sous la thématique résistances, qui met en lumière l’engagement de jeunes qui pour répondre à l’appel de de Gaulle quittèrent la Martinique et la Guadeloupe entre 1940 et 1943. Siméon (1992) et Aimé Césaire, une voix pour l’histoire (1994) sont également programmés.
Parcours de dissidents, entretiens avec des résistants
Le documentaire d’Euzhan Palcy met en lumière l’histoire oubliée, même dans leur propre pays, des « dissidents », ces hommes et femmes de Martinique et de Guadeloupe qui quittèrent leurs îles entre 1940 et 1943 pour rejoindre, via la Dominique et Sainte-Lucie, les FFL de de Gaulle, le « Général Micro ». Entrecoupé de rares images d’archives, le film fait la part belle aux entretiens avec ces résistants qui racontent leur passé avec beaucoup de passion, d’humilité, d’humour, de distance, et parfois de rancune. Car une fois l’effervescence de 1945 passée, le retour dans les Antilles fut douloureux pour ces anciens combattants qui peinent encore aujourd’hui à être reconnus. Euzhan Palcy leur rend ainsi hommage afin que leur histoire ne soit pas oubliée.
Résistances, héritages, spiritualités, amours, diasporas
Une autre approche de la thématique sur la résistance devrait permettre d’ouvrir le débat avec La machette et le marteau, de Gabriel Glissant. Le film, « tourné en 1975 durant les grèves des travailleurs de la canne », « dépeint sans ménagement la Guadeloupe telle qu’elle était, trente ans après la départementalisation » où « les coupeurs expliquent leur situation et les raisons de leur lutte ».
Parmi les autres films sélectionnés par le comité de programmation du DFF, L’oubli tue deux fois (2024) dans lequel « Haïti et la République dominicaine se partagent l’île Quisqueya et un génocide occulté » ; Tezen (Shirley Bruno, 2016) ; Manman Chadwon (Gwladys Gambie et Klēlo, 2022) illustrent la place de films issus de la Caraïbe dans la programmation. Une sélection qui comptera plus d’une trentaine de films parmi lesquels Mille et un bijoux (Ariella Aïsha Azoulay), Tout ira bien (Mathieu Lam), La Flaca Alejandra (Carmen Castillo) ; Three Promises (Youssef Srouji) ou encore Non-Alignés : scènes des archives Labudović, de Mila Turajlić et ses images qui « racontent l’émergence du ‘Tiers-Monde’ sur la scène internationale et une utopie politique : le mouvement des Non Alignés » qui clôturera le festival.
Jazz en pays colonisé
Et pour continuer à plaider l’idée que le « dialogue décolonial par l’art populaire est véritablement essentiel », pour la soirée d’ouverture les organisateurs ont choisi le film de Johan Grimonprez, Soundtrack to a Coup d’État, ou comment sur fond de décolonisation africaine, de mouvement des droits civiques et de guerre froide, le jazz a pu être utilisé comme arme politique.
Le documentaire programmé dans la thématique héritages fait un récit perspicace du rôle (politique) du jazz dans l’histoire de la décolonisation, en s’appuyant sur l’histoire de l’indépendance du Congo et de l’assassinat de Patrice Lumumba.
Soundtrack to a Coup d’État, de Johan Grimonprez
En 1960, 16 pays africains nouvellement indépendants font leur entrée aux Nations Unies. C’est un séisme politique qui fait basculer la majorité des voix des puissances coloniales vers les pays du sud. Un pays devient alors l’arène où se joue cette bataille pour le pouvoir à l’ONU : le Congo. Nikita Khrouchtchev n’hésite pas à marteler son pupitre avec sa chaussure au sommet de l’ONU en réaction à l’accaparement néocolonial des ressources du Congo nouvellement indépendant ; Louis Armstrong, nommé « ambassadeur de jazz », est envoyé en mission dans le pays par le gouvernement américain pour couvrir le coup d’État en cours ; en parallèle, Malcolm X, après avoir rallié à la cause des droits civiques les pays arabes et africains, va attaquer les États-Unis devant les Nations Unis (…)
Le DFF s’étendra du 12 au 25 mai 2025 dans des salles de cinéma et des espaces culturels à Paris (Saint-André des Arts, Luminor, Point Éphémère), dans le 93 (Cin’Hoche, Trianon, La Communale, L’Écran) et le 94 (Luxy).