« Kannjawou », nouveau roman de Lyonel Trouillot

Kannjawou, c’est le titre du nouveau roman de Lyonel Trouillot qui paraît aux éditions Actes sud. Dans ce nouveau livre, l’auteur haïtien, qui sera présent dans plusieurs librairies en ce mois de janvier, fait « le récit de l’entrée dans l’âge adulte de cinq jeunes (…) habitant la rue qui donne sur le grand cimetière de Port-au-Prince ».

Kannjawou
Kannjawou

Le nouveau roman de Lyonel Trouillot, c’est notamment l’histoire de Popol, Wodné, Joëlle, Sophonie et le narrateur. À travers leur histoire, il explore « les souffrances et indignités auxquelles est soumise une jeunesse qui a du mal à croire en la bonté et le collectif, tant seules les conditions de la survie individuelle semblent réunies ». À l’agenda de l’auteur, plusieurs rendez-vous sont prévus en France, notamment à Paris à la librairie Les Oiseaux rares le 23 janvier.

Kannjawou, le roman de Lyonel Trouillot
Cinq jeunes gens à l’orée de l’âge adulte rêvent en vain d’avenir dans le misérable quartier de la rue de l’Enterrement, proche du grand cimetière où même les morts doivent lutter pour se trouver une place. Confrontés à la violence des rapports sociaux et aux dégâts causés par des décennies d’occupation militaro-humanitaire dans leur pays placé sous contrôle de la communauté internationale, ils n’ont pour viatique que le fantasme d’improbables révolutions, les enseignements du “petit professeur” et de sa vaste bibliothèque, ou les injonctions de man Jeanne, farouche gardienne des règles d’humanité élémentaires – règles que bafouent allègrement les nantis et les représentants interchangeables des ONG planétaires. Ces derniers, le soir venu, aiment à s’encanailler au “Kannjawou”, un bar local aussi pittoresque qu’authentique aux yeux de visiteurs décomplexés et surentraînés à détourner résolument le regard de l’enfer ordinaire que vit un peuple simplement occupé à ne pas mourir.

Dans la culture populaire d’Haïti, le mot kannjawou désigne, à l’origine, la fête, le partage. Mais à quelles réjouissances songer quand la souffrance, qui fait vieillir trop vite, accule à la résignation jusqu’à détruire la solidarité des communautés premières ? En convoquant avec éclat la dimension combative dont toute son oeuvre porte la trace ardente, Lyonel Trouillot met ici en scène la tragédie d’un pays qui, sous la férule d’enjeux qui ne sont pas les siens, pris en otage par les inégalités, les jeux de pouvoir et la précarité, dérive dans sa propre histoire, privé de tout projet collectif rédempteur.

Entre le « Kannjawou », un bar où nantis et représentants des forces d’occupation d’Haïti vont faire la fête, et la rue de l’Enterrement où, à l’orée de l’âge adulte, quelques jeunes gens déshérités se cherchent un destin, Lyonel Trouillot brosse le portrait d’une humanité en proie à ses illusions ou à ses renoncements face à la confiscation séculaire, en Haïti, du devenir d’une population et de sa culture que ne cesse de nier, sans coup férir, le pragmatisme des stratégies internationales.

Extrait
…Dans mon enfance, pour écrire, j’allais me réfugier chez man Jeanne. Elle me laissait griffonner mes bêtises en silence. Puis venait le moment où elle ne pouvait s’empêcher de parler de la première Occupation. Elle ne disait pas “la première”, vu qu’elle ne s’attendait pas à une deuxième. Je n’oublierai pas le jour du débarquement des troupes étrangères. Elle s’est enfermée dans sa chambre avec sa chatte, Fidèle, et n’a pas prononcé un mot durant toute la journée. Je crois que c’est le seul jour où je l’ai vue pleurer. J’avais treize ans. Je n’avais jamais vu autant d’armes et de chars, sauf dans les films. Popol, Wodné et Sophonie essayaient de mobiliser les jeunes en leur disant : il faut faire quelque chose. Joëlle et moi, nous les suivions, sans savoir quoi dire. Nous n’avions pas le langage. Deux ou trois ans peuvent faire une grande différence quand il s’agit d’appeler à la mobilisation. Mobilisation, c’était le mot d’ordre…

Kannjawou,  Lyonel Trouillot
Actes Sud
18 euros, 208 pages

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