Littérature : le prix Fetkann ! 2019 de la Mémoire pour Christiane Taubira

Pour sa 16e édition, le prix littéraire Fetkann ! Maryse Condé, qui chaque année attire l’attention sur des ouvrages et travaux paraissant autour du thème « Mémoire des pays du sud/Mémoire de l’humanité », a attribué ses quatre prix, dont celui de la mémoire à Christiane Taubira, pour « Nuit d’épine » paru aux éditions Plon en septembre 2019.

Christiane Taubira obtient le Prix Fetkann ! de la mémoire pour 2019 avec son roman « Nuit d’épine » qui a fait la rentrée littéraire 2019. Une parution inspirée de l’itinéraire politique et engagé de l’auteure qui, entre autres, a fait entrer dans la loi la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanitécpuis la possibilité de mariage des couples de personnes de même sexe.

Outre le roman de Christiane Taubira, trois autres auteurs se sont vus récompensés cette année pour le prix littéraire Fetkann ! : l’historienne de l’art Anne Lafont pour « L’art et la race – L’Africain (tout) contre l’œil des lumières », (Les presses du réel) pour le prix Recherche ; Katy François et Didier Duroc avec « Sous le quenettier de Mamy Ayuda » (Belbalan) pour le prix Jeunesse et enfin, si aucune œuvre n’a été récompensée dans le cadre du prix Fetkann ! 2019 de la poésie, un prix spécial a été décerné à Pierre Odin pour « Pwofitasyon », (La Découverte).

Fetkann ! de la Mémoire : Christiane Taubira avec « Nuit d’épine »
La nuit, chacun la voit, la vit, la sent, l’apprivoise à sa manière. De celle de Guyane, trouée d’un faible lampadaire sous la lueur duquel, enfant, à la faveur de la moiteur et du silence, elle allait lire en cachette, à celle qui lui permettait de régler ses comptes avec les péchés capitaux que les religieuses lui faisaient réciter dans la journée, la nuit a souvent été, pour Christiane Taubira, une complice, une alliée, une sorte de sœur intime, un moment particulier.

C’est la nuit des chansons qu’on adore et dévore, la nuit du sommeil qui refuse qu’on annonce la mort d’une mère, la nuit des études passionnées et des yeux en feu à force de scruter les auteurs sacrés, la nuit qui ouvre sur les petits matins des métros bougons et racistes. C’est aussi la nuit des militantismes, de la Guyane qui se révolte, des combats furieux à l’Assemblée autour du mariage pour tous – un cathéter au bras et le courage en bandoulière. C’est enfin la nuit d’un tragique vendredi 13, bientôt suivie de celle où l’on décide d’un adieu.

Ces nuits des espoirs, des questions, des inquiétudes parfois, des colères aussi sont un roman du vrai. Un récit littéraire où l’auteur montre que la vie est souvent plus forte, inventive, poétique, envoûtante, dure, terrible que bien des fictions.

Fetkann ! de la Recherche pour « L’art et la race – L’Africain (tout) contre l’œil des Lumières », à Anne Lafont
En se fondant sur un corpus d’œuvres d’art connues et moins connues, l’auteure revisite les Beaux-Arts au XVIIIe siècle sous l’angle de la représentation des Noirs, figures qui, non seulement, articulent savoirs anthropologiques et expériences esthétiques, mais aussi histoire du luxe métropolitain et histoire de l’esclavage colonial. Ce livre est fondé sur une recherche de plus de dix ans sur les formes qu’ont prises les figures de l’Africain et de l’Africaine dans l’art continental et colonial français d’avant l’imaginaire abolitionniste. Il couvre les cultures visuelles et artistiques qui vont de la fin du XVIIe siècle – à l’époque de Coypel, Mignard, Largillière… – quand les colonies antillaises commencèrent à percer dans le champ artistique métropolitain, au premier tiers du XIXe siècle – à l’époque de Girodet, Benoist et Léthière jusqu’à Géricault… – quand l’échec de la première abolition de l’esclavage (1802) durcit l’iconographie partisane, mettant la violence des vies dans les plantations à l’ordre du jour de la création artistique.

Fetkann ! de la Jeunesse pour « Sous le Quenettier de Mamy Ayuda : Sens Cibles », de Katy François et Didier Duroc
Tous les mercredis après-midis, à l’ombre de son quenettier, Mamy Ayuda accueille le même petit groupe d’enfants. Aujourd’hui, ils vont partir à la découverte de leur environnement en faisant appel à leurs sens.… Ensemble ils vont sentir, goûter, observer, écouter, toucher et apprendre à être attentif…

Et la mention spéciale du jury pour le « Pwofitasyon » du sociologue et docteur en science politique Pierre Odin
Lorsque survinrent, au début de l’année 2009, de vastes mouvements de grève générale contre la vie chère à l’appel du Liyannaj Kont Pwofitasyon en Guadeloupe et du Kolectif 5-Févrié en Martinique, nombreuses furent les réactions d’étonnement face à la radicalité, l’ampleur et la durée de ces deux mobilisations. Que pouvait-il donc y avoir de si intolérable dans la cherté de la vie pour que, par milliers, les Antillais cessent le travail, descendent dans la rue et occupent les places ? Peu comprenaient, de l’extérieur, la volonté farouche de quelques organisations de travailleurs venues dénoncer la pwofitasyon, cette « exploitation outrancière, capitaliste et colonialiste », en exhibant publiquement les rouages les plus secrets de la machine qui semblait s’être alors enrayée.

Pwofitasyon, Luttes syndicales et anticolonialisme en Guadeloupe et en Martinique, Pierre Odin

S’appuyant sur une enquête sociologique et historique mêlant entretiens, observations de terrain et travail dans les archives, cet ouvrage revient sur le rôle du syndicalisme dans les mobilisations en Guadeloupe et en Martinique, depuis la période tumultueuse des luttes révolutionnaires et anticolonialistes des années 1960-1970 jusqu’à nos jours, et sur la grève générale de l’hiver 2009, moment demeuré ouvert à tous les possibles.

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