Entre le 10 mai, Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition, et le 23 mai retenue comme Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage, la ville de Bordeaux orchestrera une série d’événements, de célébrations et de manifestations combinant devoir de mémoire et vérité, partage d’une histoire commune et cérémonies dédiées aux victimes.
Bordeaux accueillera, tout au long du mois de mai, les Journées de la mémoire consacrées à l’histoire de l’esclavage. À travers performances artistiques, conférences, lectures et parcours muséographiques, ces journées proposent un regard pluriel et vivant sur un passé encore trop souvent enfoui. Avec en plus, cette année, un focus particulier sur Haïti et le Bicentenaire de la dette d’indépendance.
Parmi les temps forts de cette quinzaine, la date du vendredi 23 mai, journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage, au cours de laquelle le Musée d’Aquitaine inaugurera un nouveau segment de son exposition permanente « 400 000 ans d’histoire(s) ». Un nouvel itinéraire intitulé « Du soulèvement de Saint-Domingue aux conséquences de la double dette d’Haïti (1791-2025) », dont l’idée est de mieux comprendre le rôle central d’Haïti dans l’histoire mondiale des luttes pour la liberté.
Cette journée sera également marquée par une lecture performée de Guy Régis Jr, écrivain et comédien haïtien, qui explorera les mémoires refoulées et les zones d’ombre du passé négrier et colonial de la ville. Il sera accompagné, depuis les jardins de l’hôtel de ville jusqu’au musée des Beaux-Arts, par Valentine Cohen, Rahim Nourmamode, la compagnie Fabre Senou et 150 collégiens et lycéens de Nouvelle-Aquitaine, porteurs de voix et de regards nouveaux sur cette mémoire partagée.
Modeste Testas et Toussaint Louverture : figures essentielles de la mémoire haïtienne et bordelaise
Ces journées seront l’occasion d’honorer deux figures de l’histoire de l’esclavage connues au-delà des frontières d’Haïti où elles ont vécu en esclavage : Modeste Testas, dont la statue se trouve devant l’hôtel de la Bourse Maritime à Bordeaux, et Toussaint Louverture. La première, Modeste Testas, femme réduite en esclavage et achetée par une famille bordelaise au XVIIIe siècle, incarne la violence du système négrier retrouvée : affranchie en Haïti, elle y termina sa vie libre. Sa mémoire, longtemps effacée, est aujourd’hui réhabilitée à Bordeaux comme un symbole fort de reconnaissance et de réparation. Le second, Toussaint Louverture, figure universelle de la lutte contre l’esclavage, fut le grand artisan de la Révolution haïtienne. Ancien esclave devenu stratège et chef d’État, il mena le soulèvement contre l’ordre colonial et posa les fondations de la première République noire indépendante du monde. Ainsi, dès le samedi 10 mai, la figure emblématique de Modeste Testas sera chantée par le collectif Voix de femmes, réuni en « un arc humain et artistique » autour de la statue. L’hommage à Toussaint Louverture sera notamment porté par l’artiste Carlton Rara.
De nombreux rendez-vous à ne par rater parmi lesquels :
- à partir du 23 mai dans le Jardin Botanique de Bordeaux, l’exposition d’art contemporain Collector et les œuvres de Capucine Vever et d’Iván Argote qui « invitent à réfléchir à l’histoire coloniale, notamment celle de Bordeaux, et [qui] questionnent la présence et l’absence des traces de cette mémoire dans l’espace public » ;
- les contes créoles ;
- une présentation du travail de l’association CM98, enquête généalogique formulée sous forme de question : « Comment j’ai retrouvé mes parents qui ont vécu au temps de l’esclavage ? » ;
- une conférence-causerie Vod’Haïti, consacrée à la démystification du vaudou et à ses liens avec les luttes contre l’esclavage ;
- et, parmi les moments festifs, le « Zouk kompa en l’honneur d’Haïti », prévu le vendredi 16 mai, en présence des élèves du CIAM, pour célébrer en musique la vitalité de la culture haïtienne.
Un programme conséquent pour ces Journées de la mémoire qui comprennent bien d’autres occasions de se connecter à l’histoire avec l’exposition de documents patrimoniaux, une conférence musicale/réflexion sur la cumbia, une marche aux flambeaux en mémoire des victimes de l’esclavage organisée par l’association Solidarité Antilles Bordeaux ou encore un cocktail poétique Haïti dédié aux cultures et littératures étrangères avec l’auteur Rolaphton Mercure.
Des journées présentées par la municipalité comme l’occasion « d’entretenir la flamme des résistances et à refuser l’oubli » qui conjuguent histoires, transmissions et créations contemporaines.