Esclavage, mémoires normandes : trois expositions ne faisant qu’une

Le 10 mai, journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition seront conjointement inaugurées trois expositions ne faisant qu’une, évoquant concrètement les liens entre les villes du Havre, de Rouen et Honfleur et la traite : Esclavage, mémoires normandes.

L’exposition Esclavage, mémoires normandes pensée et déclinée en trois lieux présentera « une histoire commune et un premier état de la connaissance scientifique sur l’implication des Normands et du territoire de la Normandie dans la traite atlantique et l’esclavage entre 1750 et 1848 ». L’exposition s’achèvera le 10 novembre 2023.

À partir du 10 mai, plusieurs manifestations et événements marqueront la journée nationale des mémoires de la traite et de l’esclavage dans l’Hexagone. Des cérémonies et hommages se dérouleront à Paris et dans sa banlieue, à Nantes, à la Rochelle ou encore à Toulouse. L’exposition est comme une invitation à ne plus rester imperméable aux exhortations à reconnaître les faits et l’histoire, et pour les organisateurs un processus adopté « dans le but de défendre, valoriser et soutenir un travail nécessaire de pédagogie et de mémoire afin de redonner à ce sujet sa juste place dans l’histoire nationale et internationale ».

Les Musées d’Art et d’Histoire du Havre, le Musée Eugène Boudin de Honfleur et le Musée industriel de la Corderie Vallois de Rouen accueilleront cet événement qui « a pour vocation de montrer la participation des Normands et de leur territoire à la traite atlantique entre l’Europe, l’Afrique, l’Amérique et l’Asie au cours des XVIIIe et XIXe siècles ». Outre les aspects pédagogiques qu’offre un tel événement, il se veut un appel à la réflexion qui impliquerait la société contemporaine et questionnerait la mémoire collective.

Soutenu par la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, l’exposition reconnue d’intérêt national proposera « un parcours commun proposant un dialogue entre des documents d’archives, des objets et des œuvres issus principalement des musées normands ».

Au Havre : Fortunes et Servitudes
D’un continent à un autre, du XVIe au XIXe siècle, l’exposition havraise évoque le rôle des individus et la manière dont ils se sont retrouvés impliqués dans un commerce esclavagiste, leur existence, leur complicité directe ou indirecte et/ou leurs résistances.

En huit étapes, des côtes d’Afrique jusqu’au Havre, en Normandie, l’exposition évoque le parcours des personnes déportées et mises en esclavage, et l’organisation du système économique et commercial de la traite atlantique.

L’envers d’une prospérité, à Rouen
L’exposition dévoile l’envers d’une prospérité rouennaise liée à la traite atlantique : les fonds investis par les financiers rouennais équipant les bateaux, le développement d’un système économique lié à la traite atlantique et l’impact dans la vie quotidienne de toutes les strates de la population normande et des personnes mises en esclavage.

Le parcours de l’exposition mettra en exergue le « contexte historique international » de la ville de Rouen inscrite « dans une démarche transatlantique depuis le XVIe siècle ». Pour poursuivre à travers « faste et envers du décor » afin de faire découvrir comment les « matières premières issues du commerce triangulaire entrent dans le quotidien des Normands », « un système économique avant tout et par tous » et pour finir « Entre ombres et lumières » révélant les positionnements de figures rouennaises à propos de l’abolitionnisme.

D’une terre à l’autre, à Honfleur
Le site de Honfleur envisage prioritairement la question de la traite atlantique sous l’angle maritime, en apportant un éclairage particulier sur le déroulement des différentes étapes de la navigation et les lieux qui la ponctuent : pour les personnes mises en esclavage, la terre africaine, les Antilles et, parfois, Honfleur même ; pour les négociants de la Ville, Honfleur et les plantations de Saint-Domingue ; pour les marins, bien sûr, les lieux d’embarquement et de débarquement.

Après une introduction commune aux trois lieux, l’exposition évoque tout d’abord la tradition des premières expéditions lointaines parties de Honfleur (Brésil, Québec, Cap Vert) et les premiers voyages de traite du XVIIe siècle, avant la grande résurgence du siècle suivant, abordée à travers les thèmes suivants.

Le parcours de l’exposition évoquera les armateurs liés à la traite et l’armement des navires, le profil des marins engagés, jusqu’aux voyages des uns et à la traversée des autres, ou encore « le processus de traite » avec « la spécificité des recherches honfleuraises de nouveaux comptoirs sur les côtes africaines et de nouveaux lieux de vente aux Antilles y est étudiée, tout comme l’existence de planteurs honfleurais à Saint-Domingue ».

L’exposition sera accompagnée de plusieurs présentations qui viendront faire écho à l’histoire et à ses enjeux et aux défis complexes qui demeurent avec entre autres « les collages de Gilles Elie-Dit-Cosaque Lambeaux et Xslave qui expriment, quant à eux, la créolisation du monde et la part douloureuse qui en est à l’origine. Les deux artistes viennent ainsi enrichir le parcours de la Maison de l’armateur ». À Rouen, le photographe Nicola Lo Calzo et l’artiste Emmanuelle Gall apporteront « un point de vue décentré, indispensable à la compréhension et à une approche sensible des héritages individuels et collectifs ». Le premier un travail le conduit à parcourir « les routes de l’esclavage de l’Afrique aux Caraïbes pour révéler les pratiques culturelles contemporaines, récits performatifs de l’histoire telle que la vivent au présent les communautés de descendants » et la seconde qui « mène un travail d’enquête à partir des récits de son arrière grande-tante, Suzanne Lacascade, l’une des premières autrices de la négritude ».

Pendant la durée de l’exposition, le « centre d’interprétation de l’Architecture et du Patrimoine organisera des visites guidées pour ‘faire parler les murs’ de la ville en questionnant les traces de la traite atlantique dans l’espace urbain contemporain ».

Une exposition virtuelle, Esclavagisme et abolitions, mémoires et patrimoines transatlantiques, un circuit commenté pour retracer la Mémoire de la traite négrière et de l’esclavage à Rouen, un colloque Esclavage, mémoires normandes : bilan et perspectives, une conférence de Frédéric Régent, docteur en histoire et spécialiste de la question de l’esclavage aux archives municipales du Havre en octobre 2023, etc. : de nombreux événements se succéderont tout au long de cette exposition inédite.

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