« Ville noire, pays blanc » sur les rives du Maroni en Guyane

Dans « Ville noire, pays blanc – Habiter et lutter en Guyane française »,
Clémence Léobal, docteure en sociologie et chargée de recherche au CNRS, explore les politiques urbaines pensées par les uns et vécues par les autres sur les rives du fleuve Maroni.

L’ouvrage, paru dans la collection Sociologie urbaine des PUL (Presses Universitaires de Lyon) le 23 juin 2022, se veut une immersion dans le quotidien pour observer comment se font face traditions guyanaises et réalités institutionnelles hexagonales.

PU de Lyon, 20 euros

« Ville noire, pays blanc » de Clémence Léobal
L’autrice s’est principalement intéressée aux Bushinengués, ethnie majoritaire à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, composée des descendants d’esclaves dits marrons, c’est-à-dire s’étant échappés des plantations surinamaises. Les Bushinengués voient leur manière d’habiter (collective, fluviale, transfrontalière, entre plusieurs maisons en ville et à la campagne, etc.) violemment remise en cause par des politiques urbaines importées de France métropolitaine.

Dans cette bataille pour le logement, ce sont les femmes qui sont en première ligne et ce sont elles que Clémence Léobal a longuement interrogées pour mieux comprendre comment se mettent en place des stratégies de contestation ou au contraire d’obtention de logements sociaux, parfois difficiles à s’approprier.

S’appuyant principalement sur les résultats d’une enquête de terrain très vivante, ce livre propose également de nombreux documents visuels (cartes, plans, parcours de vie, généalogies), ainsi qu’un cahier iconographique de 16 pages en couleurs, afin de permettre au lecteur de s’approcher au plus près de la réalité humaine ici dépeinte.
Si cet ouvrage s’adresse avant tout aux chercheur·es et étudiant·es en sociologie et en anthropologie, l’approche intersectionnelle adoptée (croisant les questions de genre, de race et de position sociale) pourra intéresser un plus large public.

À l’ouest de la Guyane, au bord du fleuve Maroni, frontière entre la France et le Surinam, la ville de Saint-Laurent du Maroni se transforme depuis une trentaine d’années au gré des démolitions de maisons et des constructions de nouveaux quartiers. La population bushinenguée, descendante d’Africain·es ayant fui les plantations surinamaises, est particulièrement touchée par ces mesures, contrainte d’adapter ses traditions et son mode d’habiter, transfrontalier et multiple, aux politiques urbaines conçues dans l’hexagone.

Clémence Léobal a suivi dans leur quotidien et leurs démarches trois femmes bushinenguées, menacées de délogement ou en recherche d’un logement social, afin de comprendre la manière dont les lois françaises modifient les façons d’habiter de ces personnes et, à une plus large échelle, la configuration de cette ville. Confrontant l’expérience des habitantes et des habitants aux discours du personnel des administrations, l’autrice rend compte des luttes et des rapports de pouvoir à l’œuvre, proposant une étude intersectionnelle des inégalités héritées du colonialisme. Cette enquête de terrain est enrichie de cartes et de schémas, ainsi que d’une sélection de photographies de Nicola Lo Calzo, artiste qui s’intéresse aux stigmates de la traite négrière dans les sociétés contemporaines.

Ville noire, pays blanc. Habiter et lutter en Guyane française
PUL, 2022
Collection, sociologie urbaine
20 euros, 194 pages

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