À voir sur arte.tv, le documentaire de Mathilde Damoisel, Le sucre, pour la douceur et pour le pire, un récit qui retrace L’histoire sans fin ni frontières du sucre. Disponible depuis le début du mois d’octobre sur arte.tv, le film, proposé en deux parties, fait inévitablement le lien entre l’exploitation des terres pour produire le sucre et les crimes liés à la colonisation et à l’esclavage.
Partant des premières constatations sur l’essor de la consommation de sucre en Europe, le documentaire revient sur les moyens choisis pour répondre au marché, contextualisant comment « les grandes puissances (française et britannique en tête) s’activent : forêts primaires rasées pour faire place à la culture de la canne, populations indigènes réduites en esclavage dans les Caraïbes puis, après leur disparition, recours massif à des captifs venus d’Afrique à travers le ‘commerce triangulaire’… » et confirmant que « sur les 12,5 millions d’esclaves de la traite, plus de la moitié ont été asservis au profit des sociétés sucrières ».
Universitaires américains, espagnols ou portugais, spécialistes du « monde atlantique », militants et responsables de mouvements de droits, notamment pour Haïti, établissent, entre autres, le lien entre le développement des empires coloniaux européens et les « productions des inégalités raciales » qui perdurent.
Récit de siècles d’inégalités, d’exploitation et de destructions
Dans sa première partie, « le documentaire de Mathilde Damoisel, nourri d’archives mettant en regard les publicités criardes des années 1950 et les témoignages glaçants des coupeurs de canne, offre un panorama édifiant de cet ogre doucereux à travers les âges et souligne, par de saisissants exemples, son absolue consubstantialité au capitalisme globalisé. Il rappelle également ce fait scientifique étonnant après un siècle de matraquage publicitaire : pour le corps humain, le sucre ne sert à rien. »
Le sucre, sa surconsommation, ses effets nocifs et les changements qui interviennent à la fin du XIXe siècle, par exemple aux États-Unis dans l’alimentation, la continuelle destruction de l’environnement pour satisfaire les insatiables barons de l’industrie sucrière, et, dans les exploitations caribéennes, les « ouvriers agricoles noirs, descendants d’esclaves »… Le documentaire déroule les faits sociaux et économiques pour évoquer l’évolution du produit dans nos sociétés, avec « en Europe, la culture de la betterave sucrière, en plein boum, (qui) fournit alors une arme parfaite pour concurrencer le sucre importé » et, comme une fâcheuse antienne, « les planteurs, qui doivent désormais rémunérer leurs anciens esclaves, répriment dans la violence toute tentative de grève, notamment grâce à l’appui de la police ou de milices privées à leur solde. »
Le sucre, pour la douceur et pour le pire, un documentaire de Mathilde Damoisel
Fléau pour la santé, le sucre est également indissociable du capitalisme et des crimes liés à la colonisation et à l’esclavage. Documenté et dynamique, ce passionnant récit historique qui scandalise est le meilleur des coupe-faim.
Depuis cinq siècles, terres et humains sont exploités pour satisfaire la demande de sucre sur toute la planète. Son héritage de racisme, de surconsommation et de désastre environnemental pèse lourd, mais pas encore assez pour stopper les barons modernes de cette industrie en constante expansion, qui se réinvente aujourd’hui en miracle écologique avec le bio-éthanol, issu, lui aussi, de la canne… Le documentaire de Mathilde Damoisel, nourri d’archives mettant en regard les publicités criardes des années 1950 et les témoignages glaçants des coupeurs de canne, offre un panorama édifiant de cet ogre doucereux à travers les âges et souligne, par de saisissants exemples, son absolue consubstantialité au capitalisme globalisé. Il rappelle également ce fait scientifique étonnant après un siècle de matraquage publicitaire : pour le corps humain, le sucre ne sert à rien.